Il y a quelques mois, j’avais exprimé sur ce site, ma méfiance vis-à-vis du processus des « primaires ». Au vu du spectacle de ces dernières semaines, je confirme cette fois ma défiance. Entre les mains des partis, les « primaires » interposent un filtre entre un homme ou une femme, et la volonté populaire, avec le résultat terrible que l’on voit.
Les partis classiques d’alternance gouvernementale sont profondément fracturés, et les deux pôles dominants de la vie publique française, à moins de trois mois de la présidentielle, sont les extrêmes. La gauche trouve le moyen de sortir des urnes un homme dont le premier mouvement est de se tourner vers l’extrême gauche, passant par pertes et profits les sociaux-démocrates de gouvernement. La droite avait fait émerger un candidat trop bien élu pour plaire à l’ensemble des courants que l’on trouve chez LR. Il est aujourd’hui affaibli si fortement par une faute morale concernant la rémunération de membres de sa famille, que les spadassins de son camp fourbissent leurs armes pour devenir calife à la place du calife. Ne parlons pas du centre : ni chef réel, ni doctrine, seulement une masse d’électeurs pro-européens égarés qui se dispersent eux aussi. Beau résultat institutionnel !
Dans ce bombardement atomique de l’homogénéité politique française, ne survivent que ceux qui ont refusé la « primaire ». La présidente du Front National, Jean-Luc Mélenchon. Et Emmanuel Macron. L’intérêt de Macron réside en plusieurs points :
- Son incontestable jeunesse qui ne lui a pas laissé le temps d’être corrompu intellectuellement ou matériellement par un système politique redevenu corrupteur. En ces vingt dernières années en effet, la gauche s’est couverte de scandales (Urba-Gracco, Cahuzac, et quelques autres). La droite s’est enfoncée dans les eaux boueuses de Bygmalion, et n’arrivent pas à se dégager d’autres suspicions qui touchent aussi bien son ancien Président de la République, que le parti lui-même qu’il a fallu débaptiser pour faire oublier un peu ce parfum de scandale.
- Cette jeunesse de Macron correspond à un profond désir de changement, même si cette demande des électeurs est autant liée au besoin de nouveauté des dirigeants, qu’à leur âge.
- On dit qu’on ne connaît pas son programme : il se finalisera, et sera connu fin février, annonce-t-il. De toute façon, la campagne présidentielle n’entrera dans les têtes populaires que début mars et c’est là qu’il faudra convaincre les électeurs que le projet Macron repose sur un programme.
- « Génération Citoyens » a décidé de le soutenir (81% pour) parce qu’il a choisi de mettre en place des transformations profondes afin de changer le système, à bout de souffle. On ne relèvera pas le pays en conservant ce système qui l’a étouffé : il faut avoir le courage d’entreprendre des « ruptures d’avenir ».
- Il dit respecter à leurs vraies valeurs les familles politiques issues de droite, du centre, ou de la gauche. Mais il appelle à dépasser ceux qui sont conscients de l’insuffisance de ces clivages, à s’unir, pour contribuer à remettre la France au vrai niveau où le peuple est capable de l’y placer.
- C’est ce que fit De Gaulle en 58 quand il fallut tirer les leçons de l’effondrement de la Quatrième République, carbonisée par le poids de l’Algérie, l’instabilité gouvernementale, et encore une fois le poids des affaires. Macron n’est pas De Gaulle, mais la méthode du fondateur de la Cinquième République est la seule possible. C’est pourquoi j’appelle depuis longtemps à une majorité de rassemblement national, pour former un gouvernement d’union.
Emmanuel Macron est un mendésiste moderne. Comme Georges Pompidou, c’est un littéraire féru d’histoire, passé par la banque. Le milieu bancaire n’est pas peuplé d’enfants de chœur et on y apprend les dures réalités mondiales. Comme Kennedy au début des années 60, comme Giscard au début des années 70, un jeune candidat se trouve à la charnière d’une époque qui s’achève. Il faut maintenant conduire les aspirations du peuple français vers un destin d’avenir. Et pour premier contrat, il propose une charte éthique intransigeante afin de balayer les doutes des électeurs envers les élus. Il se propose de veiller à la parité femmes-hommes, à la place de la société civile au Parlement et au gouvernement. Si ça n’est pas un programme, c’est un bon début et ceci en dit long sur le projet.
Jean-Marie Cavada,
Président de Génération Citoyens
Député européen